Voilà quelques conseils que j’aurais bien aimé avoir lors de mes balbutiements à la forge…
Je le répète encore et toujours : n’hésitez pas à demander conseil à des forgerons de métier et à des couteliers.
Il existe également de très bons livres, comme celui de Gilles Bongrain : « Les couteaux d’art ».
Bref !… vous l’aurez compris, il faut vous former, lire, regarder des vidéos, échanger… et enfin, pratiquer, pratiquer, pratiquer…
Et en attendant la pratique, voici ci-dessous mes conseils et astuces sur différentes sujets autour de la forge, en espérant que ça vous fasse gagner du temps :
- Trouver sa forge et son équipement
- Choisir le bon acier
- Choisir le bon combustible
- Conseils pour forger une lame
- Conseils pour faire le manche
- La température idéale de forge
- Réussir sa trempe
- Réussir son émouture
Où trouver sa forge ?
Chacun peut se fabriquer une forge avec des briques et du ciment réfractaire et un aspirateur souffleur branché sur la tuyère.
Pour ce qui est de l’enclume, un bloc de fer trouvé chez un ferrailleur ou un morceau de rail de chemin de fer peut suffire (on vous en parle dans l’article sur les outils de forge).
En ce qui me concerne j’ai trouvé une forge manuelle et une enclume en passant une petite annonce.
Quel acier utiliser ?
Il faut tout d’abord expliquer la différence entre fer et acier.
Ce que l’on appelle acier est du fer contenant un taux plus ou moins important de carbone. Ce taux varie de 0,3% à 2% ; en deçà de 0,3% c’est du fer et au delà de 2% c’est de la fonte.
Plus un acier contient du carbone et plus il sera dur, mais également plus cassant. Le taux idéal pour débuter se trouve entre 0,5% et 0,8%.
Pour plus de détails, voir notre article sur les aciers de coutellerie.
Pour ma part je n’utilise que des acier de récupération.
Les limes, burins et ciseaux à bois
Attention c’est un acier très dur (plus d’1% de carbone) donc il faut le forger avec beaucoup de précautions, et ne pas faire de lames trop longues : elles seraient trop fragiles.
De plus il ne faut pas trop les travailler (pas de torsades ou de formes trop torturées), car très vite des craquelures apparaissent.
Enfin, dernier défaut, il faut être d’une bonne constitution car il ne faut pas hésiter à taper.
Toutefois, pour les lames courtes et ventrues type skinners, il est idéal car il sera très résistant et le tranchant conservera longtemps ses capacités de coupes.
Ressorts de suspensions automobile
Cet acier est un mangano-silicieux, c’est donc un alliage de fer, de carbone à un taux variant de 0,4 à 0,6 % de manganèse et de silice, qui lui donnent une bonne résilience et donc le prédestine à la fabrication de lames longues.
Rebuts agricoles (dents de herse …)
Très bonne qualité d’acier : 0,6 % de carbone environ.
Note : Si une pièce de récupération est rouillée, aucune importance, celle-ci elle part lors de la forge.
Quel combustible choisir ?
On en parle en détail dans un article dédié.
Le charbon de terre
Le combustible le plus adapté est le charbon de terre ayant un calibre de 1,5 à 3 cm. On obtient une bonne température et il met un certain temps à brûler.
Toutefois il contient de nombreuses impuretés, comme du souffre, qui sont nuisibles pour l’acier et il convient de laisser brûler le charbon un certain temps avant de chauffer la lame, afin de d’évacuer ces matériaux.
Le charbon de bois
Avec un pouvoir calorifique trois fois inférieur au charbon de terre et un prix dix fois supérieur, il reste toutefois un combustible fort apprécié.
En effet sa chauffe est très douce, et donc mieux contrôlable, et il contient très peu d’impuretés.
Il préserve donc toutes les qualités de l’acier.
Comment forger une lame ?
Lorsqu’on forge une lame, l’idéal est de travailler à partir d’un méplat, ce qui réduit le nombre de chaudes (mise en chauffe de la pièce) et donc les risques d’accidents.
Avec des aciers de récupération c’est rarement le cas, il faut donc transformer cette pièce en méplat.
L’étape suivante consiste à façonner la pointe.
Le plus simple est de découper l’extrémité du méplat en biseau à la scie à métaux, à la meule ou au tranchet d’enclume, puis de l’arrondir. Cette opération préserve la structure cristalline du métal.
Ensuite il convient de travailler le tranchant en commençant par la pointe et en remontant vers la garde. Puis l’ensemble de la lame de façon à ce que de la pointe à la garde l’épaisseur soit croissante.
Comment façonner un manche ?
Le plus facile reste le montage sur soie, car elle est cachée à l’intérieur du manche et ne nécessite pas d’être parfaitement plane ; contrairement au montage sur plate semelle qui est prise en sandwich entre les deux parties du manche et qui laissera des jours si elle n’est pas parfaitement plate, ce qui est difficilement réalisable sans rectifieuse.
Les limites de la soie doivent être tout d’abord marquées sur le bord de l’enclume, puis étirée afin d’obtenir une section plus ou moins triangulaire.
Une petite astuce pour obtenir une lame régulière et plane : compter le nombre de coups de marteaux donnés de chaque coté de la lame.
Quelle est la température de forge idéale ?
La température idéale se situe en général entre 900 et 1000° C (rouge cerise clair), mais elle peut varier selon les aciers utilisés.
Au delà, on entre dans les températures de soudage et on risque de brûler sa pièce, c’est-à-dire de la voir se décomposer en une gerbe d’étincelle (c’est très jolie à voir mais la pièce est bonne pour la poubelle).
Comment réussir sa trempe ?
Voici la partie la plus délicate à réussir, mais l’avantage c’est qu’on peut la reconduire plusieurs fois.
La température de trempe varie selon le taux de carbone : plus il sera élevé plus la température devra être basse.
En gros, pour un taux de 0,3 à 0,8 %, la température optimale sera de 800 à 850°C (rouge cerise), et pour un taux de supérieur la température sera comprise entre 750 et 800°C (rouge sombre).
Il existe un petit truc pour découvrir la température idéale, quand l’acier cesse d’être magnétique il est prêt pour la trempe.
Nota : L’épaisseur de la lame ne doit pas être inférieure à deux millimètres, sinon elle risque de se fendre, c’est très rageant quand ça arrive, croyez-moi…
A ce stade la lame est très cassante, j’ai fait tomber un jour une lame trempée par terre, elle a explosé comme du verre. Il convient de la manipuler très prudemment.
Il faut lui faire subir un revenu qui va certes atténuer la dureté, mais lui donner plus de souplesse.
Il va falloir lire la température sur la surface du métal : il faut donc nettoyer la lame, ensuite il faut la chauffer de façon uniforme à même la braise ou sur une brique posée sur le foyer, seul le dos doit être en contact, afin que la chaleur monte vers le tranchant.
C’est une étape très délicate, il faut regarder le métal chauffer et voir la couleur d’oxydation remonter vers le tranchant et quand ce dernier prend une couleur cuivrée, il faut tremper la lame dans de l’eau afin de fixer cette nouvelle structure.
Et le tour est joué, vous pouvez passer aux finitions.
Comment bien travailler son émouture ?
Dernière opération avant la pose du manche : Il faut limer ou meuler le tranchant pour lui donner son pouvoir de coupe.
Mais attention, si vous utilisez une meule électrique il faut souvent mouiller la lame pour éviter que le métal ne chauffe de trop et se détrempe.
Trois types d’émoutures existent :
- L’émouture bombée, le tranchant sera solide mais difficile à affûter, à pratiquer sur des couteaux destinés aux gros travaux de taille.
- L’émouture plate, plus facile à réaliser, c’est un bon compromis entre tenue du tranchant et facilité d’affûtage.
- L’émouture creuse, la plus difficile à obtenir, il faut un touret d’assez grand diamètre et un guide pour obtenir une ligne régulière.
Plus d’infos sur notre article dédié à l’émouture.
BONUS : Vidéo
En vidéo bonus, je vous propose de regarder les différentes étapes de fabrication d’une machette (un grand couteau, quoi !) en Indonésie : Forge artisanale garantie !
BONUS² : Vidéo !
Cette fois-ci, on parle toujours de forge artisanale… mais beaucoup moins rustique !
Voici la naissance d’un couteau Damas…