“Survivre dans la rue” est l’histoire d’Ann Webb, américaine qui, partie en vacances en Europe avec peu de moyen, se retrouve à la rue dans Paris avec l’impossibilité de se payer un vol retour pour rentrer chez elle.
Elle raconte alors son périple, les “loups” et les dangers de la nuit parisienne puis finalement la sortie de galère.
En dehors de toutes considérations éthiques ou morales et bien sûr sans aucun jugement, on peut s’interroger sur son parcours.
Quelles sont les erreurs qu’elle a commises qui l’ont entrainé vers la rue ? Comment a t’elle survécu à la rue ?
Voici un cas de rupture de la normalité à l’échelle individuelle car le monde, lui, continuait de tourner pendant ce temps-là.
Je voudrais vous présenter un résumé de son histoire ainsi que quelques réflexions personnelles que j’en ai tirées.
D’abord, les étapes qui l’ont menée à devenir SDF à Paris…
L’auteure commence donc son histoire par nous raconter brièvement son enfance aux États-Unis et l’éducation stricte qu’elle y a reçue. Son père tient à ce qu’elle travaille, pas question d’argent de poche. Elle se paye elle-même ses études universitaires.
Divorcée et brouillée avec sa famille depuis des années, elle vit très modestement dans l’Oregon et travaille dur en tant qu’aide-soignante en intérim. Afin de réduire le coût de la vie, elle vit en colocation payée au black. Elle décrit sa vie comme monotone alors qu’elle rêve d’aventure. Si seulement elle osait. C’est alors qu’une collègue de travail lui parle d’une amie qui suite à un empêchement revends ses billets d’avion et hébergement à l’hôtel en Espagne. Elle y voit l’occasion inespérée de pimenter sa vie. Elle redouble d’effort, prends un second boulot et finit par économiser suffisamment d’argent à temps. Après l’Espagne, elle décide d’aller faire un tour à Paris puis finalement, s’il lui reste encore un peu d’argent, de visiter de Londres.
S’en suit alors un enchainement d’erreurs.
La première à mon sens est de suivre aveuglement les conseils des autres. C’est ainsi qu’elle décide de ne pas acheter de billets de trains ou d’avion en avance sous les conseils “avisés” de ses collègues. Ça sera moins cher sur place qu’on lui dit. Ça offre certes de la flexibilité, mais quand on a un budget plus que ric-rac, c’est risqué.
Une grosse partie de son budget part également dans un smartphone avec un abonnement 3g international pour économiser sur les cyber-café. Abonnement inutile à la base et qui ne marchera jamais en Europe. Elle part donc avec les mauvais outils et sans connaitre leurs fonctionnements. Elle semble ignorer que son téléphone peut se connecter sur des hot spots Wi-Fi gratuits.
Elle ne se renseigne pas sur le coût de la vie dans sa destination en Espagne qui se révèlera au-dessus de ses moyens.
Avant de partir, elle paye à sa coloc deux mois de loyer en avance afin de partir l’esprit tranquille. Elle aura la garantie d’un toit à son retour. L’idée n’est pas mauvaise mais elle aurait mieux fait de simplement garder cet argent. Elle suspend ensuite ses abonnements en cours et informe son agence d’intérim qu’elle ne prendra pas de mission pendant quelques semaines.
Une fois sur place, rien de se déroule comme prévu.
Elle arrive en Espagne en pleine crise des sub-primes et est très mal accueillie du fait de sa nationalité. Sans Internet, elle ne trouve pas les hébergements en couch-surfing qu’elle avait prévu et dépense son argent en chambre d’hôtel. Le coût des transports se trouve finalement bien supérieur à ses estimations.
Ses rêves Londoniens s’envolent et c’est avec le peu d’argent qui lui reste qu’elle se paye un billet d’avion au départ de Paris. Malheureusement, son vol est annulé en raison d’un mouvement de grève. On lui refuse le remboursement de son billet sans qu’elle n’en comprenne la raison.
Avant de partir, elle avait mis un peu de côté sur son compte en banque histoire de pouvoir tenir avant sa première paye une fois rentrée. Elle découvrira que, pour une raison qu’elle ignore, prélèvement imprévu, erreur de calcul, cet argent n’y est plus. Dans la même veine, ce n’est finalement qu’une infime partie de son avance de loyer qu’elle récupèrera de la part de sa coloc par Western Union.
Loin de moi l’idée de vouloir la juger mais plutôt d’en tirer un enseignement.
Voici à mon sens les raisons qui l’ont conduite à se retrouver dans cette galère :
- Naïveté, angélisme.
- Méconnaissance des outils à sa disposition.
- Très mauvaise préparation de voyage.
- Personne à la maison pour s’inquiéter de son absence.
- Et en dernier, finalement, le manque d’argent.
La lecture du livre, du point de vue de la survie…
Dans cette seconde partie de cette critique, je vais raconter la découverte de la rue, ses dangers, notamment pour les femmes et la façon dont elle s’en est sortie.
J’ai distingué dans mon analyse du récit d’Ann Webb plusieurs étapes et transitions que j’ai transposé à la survie.
D’autres axes de lectures sont bien évidemment possibles.
La première semble être une période de passivité.
Lorsqu’Ann Webb apprend que son vol est annulé pour cause de grève, elle ne réalise tout d’abord pas ce qui lui arrive. Elle imagine qu’il lui reste encore un peu d’argent en banque, qu’il lui faudra seulement attendre quelques jours que le prix des prochains billets baisse et que tout se passera bien.
Elle croit que sa situation n’est que temporaire et que tout reviendra dans l’ordre naturellement.
Les premières nuits dehors sont difficiles. Elle ne connait rien de Paris et dort cachée dans des buissons avec pour compagnie des rats. Rapidement elle découvre que la nuit n’est pas son amie. Les rôdeurs et les prédateurs sexuels qu’elle appelle les “loups” cherchent une proie facile. Elle doit alors constamment marcher pour les éviter et pour ne pouvoir se reposer qu’au petit matin. Des problèmes aux pieds la font horriblement souffrir.
Assez vite vient la faim mais ce n’est pas ce qui semble lui poser le plus de problème. Elle raconte qu’elle est habituée depuis son enfance à jeûner. Elle se nourrie alors de ce qu’elle trouve dehors, ne mangeant rien de concret parfois pendant plusieurs jours. Chaque trouvaille comme un matin des mandarines dans une poubelle est un vrai réconfort.
Malheureusement sa naïveté et son manque de « débrouillardise » la maintiennent la tête dans l’eau.
Elle se fait jeter de l’ambassade américaine qui lui répondent qu’ils ne peuvent l’aider sans qu’elle n’en comprenne vraiment la raison. Elle accepte un peu trop facilement la situation. Elle découvrira bien plus tard qu’elle pouvait demander un rapatriement.
Vient alors un évènement qui amorcera à mon sens une transition vers un état plus réactif.
Elle se met en quête de ramasser les mégots de cigarettes non fumés qu’elle trouve à droite à gauche. Elle repère les coins riches de Paris où l’on en trouve le plus. Elle peut alors se constituer des petits sachets qu’elle fume ou revends. Mais bien au-delà de cet aspect matériel, elle s’est trouvé un but, une activité. D’ailleurs, tout au long de son périple, un livre Eckhart Tolle lui apporte réconfort et soutien psychologique.
Sa situation reste néanmoins très précaire. Quelques rencontres amicales lui font connaître des lieux où dormir mais ils restent très inhospitaliers et remplis d’hommes aux intentions rarement louables. De plus, elle n’obtient pas toujours de tickets d’entrée du fait de sa nationalité. On lui indique qu’elle n’a le droit à aucune aide, venant d’un pays riche. La barrière de la langue lui fait aussi très certainement mal interpréter son environnement. Elle doit aussi gérer nombreuses personnes qui sous couvert de lui donner un peu de pain ou un hébergement pour la nuit ne désirent en fait qu’abuser d’elle. La lucidité lui permettra de se sortir de plusieurs faux pas.
Elle croise une autre sans-abris qui vit dans une tente et avec qui elle deviendra amie. Ce type logement lui offre une certaine protection car de l’extérieur, il n’est pas possible de savoir qui s’y trouve. Une femme seule ou un grand gaillard ? D’ailleurs la seule fois où Ann se fait agresser sexuellement est une nuit où elle s’endort seule dans un chantier. Lors de cette période elle est physiquement et psychologiquement fourbue.
Elle observe que les femmes qui ont renoncés à survivre arrêtent de prendre soin d’elles. Contradictoirement aussi ce sont les personnes qui ont une apparence propre et soignée qui obtiennent plus facilement de l’aide.
De fil en aiguille et à la suite de bonnes rencontres, elle trouve un foyer plus stable pour femme où elle peut se reposer et rencontrer des gens. Elle déniche une adresse où recevoir du courrier, obtient un numéro de téléphone.
Son idée est faite. Elle veut trouver du travail, n’importe lequel. Elle se montre acharnée dans ses recherches marchant des heures malgré de graves problèmes aux pieds pour se rendre à des rendez-vous. Elle doit attendre des jours entiers sans succès et sans encouragement: « Tu ne trouveras jamais de travail, il n’y en a déjà pas pour les français » qu’on lui dit fréquemment.
Malgré tous ses efforts sont couronnés de succès et un petit boulot de démarchage téléphonique en anglais lui apporte une petite rentrée d’argent.
Elle rencontre aussi une journaliste qui désire écrire un article sur elle. Article qui agira à double tranchant. Elle obtient de l’aide de la part de certains lecteurs mais cela entraine aussi la jalousie des occupants de son foyer et elle ne peut plus y retourner.
Elle est de nouveau sans refuge.
Un autre sans-abris dont elle tombera amoureuse quelques temps plus tard lui offre l’hospitalité dans sa tente. Les nuits sont difficiles et les cris déchirants un soir d’une touriste se faisant violer pendant des heures lui feront refuser d’y retourner.
Grâce à son nouveau salaire et à l’article du Monde, elle dénichera un petit studio où elle obtiendra un bail. Elle ne retournera finalement pas aux États-Unis.
Je retiens de son histoire plusieurs phases que l’on pourrait peut-être transposer à la survie de manière plus générale.
Que l’on soit perdu en forêt, que l’on ait perdu son domicile à la suite d’une inondation ou que l’on vive un état de guerre, il y aura toujours un passage où l’on sera assommé par la réalité et dans le déni.
Il faudra alors se trouver un but, une activité pour trouver le sursaut qui permet d’avancer. C’est là qu’entre en jeu la préparation et l’entrainement.
Viens ensuite, une phase d’adaptation et de découverte. On apprend de son nouvel environnement.
Là encore, les connaissances entrent en jeu. Chez Ann, c’est un problème de langue qui se pose qui lui font certainement passer à côté de nombreuses opportunités. Dans la verte, cela pourrait être la méconnaissance des ressources environnantes.
Finalement la découverte d’un refuge, même temporaire, semble crucial. Il apportera la force et l’acharnement nécessaire à trouver une solution durable à ses problèmes.
Pour lire d’autres article sur cette thématique, nous vous conseillons « Être à la rue : Comment s’y préparer ? » et « Kit de survie SDF« .