Ce soir-là, je suis resté quatre heures la tête dans l’algorithme.
J’y suis entré, il faisait encore jour.
À l’époque, j’étais accro à la gratification immédiate, à la dopamine facile. Je préférais la machine aux humains, car la machine dit toujours oui à tous tes désirs.
À chaque instant de libre, j’allais chercher l’Extension dans ma poche. Je ne lisais plus un seul vrai livre. Pas un seul roman ou essai, en papier.
Le visage noyé dans le miroir, j’appartenais à une humanité pliée.
Le smartphone est une drogue.
Je le sortais 200 fois pas jour. En moyenne.
Pourquoi ? Parce qu’ils y ont transféré le truc du bandit manchot. Ce truc qui fait tenir les joueurs de casino des jours et des nuits, devant les machines à sous.
Ça fait de nous des chiens qui attendent leur friandise.
Ce n’est plus une question de volonté. C’est une question de chimie. De pulsion.
J’aimais mon smartphone, comme on aime un patron toxique ou un pervers narcissique. Ce truc me rendait con, je le sentais.
Mais je m’en foutais.
Je croyais avoir besoin de l’Extension. Le système me faisait croire que je ne pouvais pas avoir une vie normale sans l’Extension.
Mais ce n’est pas le smartphone qui te permet de communiquer avec tes proches, de regarder des films, de lire le journal… Un smartphone n’est qu’un écran, un device, un truc qu’on a vendu comme une baguette magique.
C’est un grigri. Un doudou.
Et, en plus, il est conçu pour te manipuler.
C’est donc un PARASITE. Et tu dois le traiter comme tel.
Faut se rendre à l’évidence : ce truc te détruit. Il détruit ton corps, détruit ta famille, détruit ta vie sociale. Mais tu l’aimes. Tu es une victime. Battu, piégé. Prisonnier volontaire. Junky.
J’ai tenté la détox ? J’ai commencé par désinstaller toutes les applis, sauf celles que je croyais essentielles. Mais je les résintallais sous des prétextes qui me paraissent aujourd’hui ridicules. Je subtilisais la tablette de ma femme… J’avais encore et toujours un écran entre mes mains.
Car la seule véritable récompense à mes yeux, c’était de mater une vidéo à la con.
Je me suis – tardivement – rendu à l’évidence : si l’Extension est une drogue, alors je devais arrêter de smartphoner, comme on arrête de fumer.
Tout d’un coup, d’un seul.
Et cesser de me balader avec un paquet dans la poche. La seule solution contre une toxicomanie, c’est le sevrage.
Tentez une expérience avec moi.
Une sorte de défi.
Comme on entame le dry january. Un paris à 50 balles : remplacer votre Parasite par un bon vieux téléphone basique à touches, un anti-smartphone, un dumbphone. Le monde sera toujours accessible, mais il ne sera plus “à portée de main”.
Et c’est l’essentiel. Il sera dans votre ordinateur. À la niche !
Ne cherchez plus d’excuse.
Y’a des dumphones à 10 balles. Vous transférez tous vos contacts dans la SIM. Et ça marche. Certains font même un excellent modem 4G pour votre ordi, si vous êtes nomades.
Les trois premiers jours, vous sortirez encore machinalement votre tel de la poche pour checker les notifs… bah y’en aura plus !
Ce sera frustrant et libérateur à la fois.
Au bout de trois jours, l’habitude se sera envolée. L’accoutumance s’estompera. Jusqu’à disparaître. Vous serez enfin libéré du syndrome Fear Of Missing Out.
Moi ? J’ai gagné une à deux heures de sommeil par nuit. Et donc peut être plusieurs années de vie en bonne santé.
Je n’ai pas perdu en productivité. Je ne participe plus au ping-pong des blagounettes WhatsApp. Avec quelques mois de recul, je peux dire que, finalement, mon smartphone ne me servait pas à grand-chose.
Oui, je passe parfois pour un Amish avec mon tel qui ressemble à une calculette.
Mais j’assume.
Mon cerveau ne m’envoie plus de « phones pulsions ». Je suis plus dur à joindre et plus lent à répondre. Certains s’en plaignent. Moins que je ne l’aurais cru.
J’ai fait sécession de cette civilisation de la dernière minute.
Mon cycle de la récompense est à nouveau sain. La journée, je sens avoir gagné en capacité de travail UTILE.
Je ne vous demande pas de renoncer au téléphone ou à internet. Mais simplement de retirer ce greffon numérique de votre vie.
Vous êtes vos choix. Merde !