Comment fabriquer des comprimés d’iodure de potassium (iode) ? [TUTO]

de Mat & Thom
Publié le : Dernière mise à jour le

Avec l’autorisation de son auteur, je vous partage ici ce tuto relatif à la fabrication de comprimés d’iodes.

Quand je parle de « fabrication », ça n’est évidemment pas dans le sens synthèse-extraction-purification, mais bien dans le sens « passons à la pharmacie acheter les composés de base ».

Je ne crée rien : j’obtiens juste, par un autre moyen, ce qui devrait figurer dans toute pharmacie.

ATTENTION : je mentionne ce protocole en dégageant toute responsabilité sur les prescriptions qui y sont données, et les conséquences possibles.

Pourquoi fabriquer soi-même ses comprimés d’iode ?

Les comprimés d’iodure de potassium se font rares (voire rarissimes) en pharmacie en ce moment.

Bon nombre sont censées en posséder un stock en cas de péril immédiat, mais la réalité a souvent suggéré aux personnes à la recherche de ces comprimés de se tourner vers la Pharmacie Centrale des Armées pour obtenir, in fine, uniquement des informations.

On arrive facilement à la conclusion que très peu d’établissements possèdent un stock, ou une quantité suffisante.

La première prise devant se faire dans l’immédiat, l’annonce d’une catastrophe susceptible de diffuser de l’iode 131 (radioactif) risque de créer un terreau propice à la panique devant une officine à 2h du matin…

En revanche, les pharmacies vendent quasiment toutes de l’iodure de potassium pur sous forme de poudre ; c’est une base pour de nombreuses préparations et pour neutraliser certaines solutions.

Prix : 1,20€ les dix grammes (sachant que les fournisseurs le facturent 50€ maxi le kg), soit environ de quoi fabriquer 100 comprimés d’iode pour le premier jour post catastrophe nucléaire (100mg, je le nommerai C1), ou un peu plus de 600 comprimés « d’entretien » pour les jours suivants (15mg, nommés C2), ou encore comme ici 30 traitements personnels pour huit jours.

Je précise qu’il s’agit ici d’iodure de potassium (KI) et non de l’iodate de potassium (KIO3), qui n’ont absolument pas la même masse volumique, ni le même pourcentage massique de potassium, et donc le même calcul in fine.

iodure de potassium

Qu’est ce que c’est ? Comment en fabriquer ?

KI est formé d’un ion potassium (K+), et d’un ion d’iode stable (I).

L’ensemble forme un réseau cristallin de la même manière que le chlorure de sodium KCl (sel). Il se présente d’ailleurs également sous forme de sel.

Le but est de saturer la thyroïde en iode non radioactif avec une dose adéquate, afin d’empêcher l’iode 131 de s’y déposer et de porter à conséquence (troubles thyroïdiens, cancers, etc…).

La quantité recommandée pour un adulte est de 100mg pour C1, dont l’ingestion suit immédiatement l’alerte donnée par les autorités.

La dose C2 se situant à environ 15mg, n’est à prendre que si le danger persiste les jours suivants ; l’excès d’iode pouvant mener à une hyper / hypothyroïdie (nervosité, température du corps variable, prise de poids, etc…) et à l’iodisme (pharyngite, acné, etc…), particulièrement chez les personnes âgées.

Ingestion of potassium iodide (KI) offers effective protection against irradiation of the thyroid after accidental exposure to radioactive iodine. This prophylaxis aims at rapidly obtaining maximal thyroid protection without adverse effects. This article reviews studies on iodine kinetics in humans and on the efficacy of KI in protecting the thyroid. In adults with normal thyroid function, ingestion of 100 mg of iodide just before exposure to radioactive iodine blocks at least 95% of the thyroid dose. If exposure persists after iodide ingestion (100 mg), the percentage of averted dose may decrease significantly. Daily ingestion of a dose of 15 mg of KI would then maintain the thyroid blockade at a level above 90%. The efficacy of iodide and the occurrence of antithyroid effects also depend on external and individual factors such as dietary iodine intake, thyroid function, and age. The KI dosage regimen should be adjusted for age at exposure. For the fetus, the newborn, children, and adolescents, the risk of radiation-induced thyroid cancer in case of accidental exposure to radioactive iodine justifies KI prophylaxis, despite the risk of hypothyroidism, especially in newborns. For the elderly, the benefits of KI may be lower than the risk of iodine-induced hyperthyroidism.

Source PUBMED

Ces quantités doivent bien entendu s’adapter pour l’administration à des enfants et nourrissons.

Il convient d’avoir à l’esprit que cette première dose correspond à plus de 1000 fois la dose journalière recommandée en temps normal (sans risque radioactif) ; la population française étant souvent carencée en iode, selon les régions et le régime alimentaire, et donc est sujette à une ingestion plus prononcée de l’iode 131 (cf les carences des populations de Pripyat pré-1986).

A la base, je suis parti dans la pesée de l’iodure à la balance milligramme. Puis je me suis aperçu que cet article ne présenterait aucun intérêt étant de donné que ce matériel est peu répandu dans les cuisines.

A la place, nous allons ruser en utilisant la masse volumique de l’iodure de potassium pur.

C’est une technique qui possède sa part d’approximation, et je ne peux que conseiller d’utiliser un matériel adéquat, mais faute de mieux, cela représente toujours un intérêt en k2kk.

Le KI est peu hygroscopique, ce qui permet de rarement fausser les pesées (un composé qui absorbe l’humidité change de masse). Il a une masse volumique de 3.13g/cm3 à 20°C.

Nous devons donc :

  • pour obtenir une dose de 100mg pour C1, avoir un volume de 0.03194 cm3 soit 31.94mm3
  • pour obtenir une dose de 15mg pour C2, avoir un volume de 0.00479 cm3 soit 4.79 mm3
  • obtenir plusieurs comprimés homogènes
  • mesurer la marge d’erreur possible

Nous allons créer un « moule » qui conservera le ratio de 31.94 mm3 entre chaque comprimé C1 et 4.49mm3 pour C2.

On pourrait penser à une recette classique genre « je verse 10g dans 100g de farine, et on touille pour faire nos cookies« , mais c’est une erreur car l’iodure de potassium risque de présenter des zones hétérogènes, dues à un mélange insuffisant et une mauvaise répartition des composés (l’hydrophobie entrant en jeu).

Ici, la méthode est plus lente, mais plus précise.

La pesée de l’iodure de potassium

Ingrédients :

  • 10,00g d’iodure de potassium, pour 1,20€.
  • un stylo à encre

Le meilleur moyen que j’ai trouvé à la disposition d’à peu près n’importe qui sur le continent : le stylo à encre genre b*c.

La cartouche, vidée de son encre et bien nettoyée, est un long tube de 2mm de diamètre intérieur. C’est à dire d’un rayon de 1mm.

Pour C1 :

Nous savons que l’aire de la base d’un cylindre vaut Pi * r2 soit Pi * 1, nous avons donc l’aire de la base valant Pi, soit approximativement 3.1415 mm3.

Afin d’avoir le volume de notre cylindre, il suffit de multiplier l’aire de la base par la longueur.

On voit où on veut arriver : 3,1415 multiplié par 10mm nous donnent un volume de 31.41mm3, soit une valeur très proche par défaut de nos 31.91mm3 calculés précédemment, car la marge d’erreur est de 1.56%.

Nous avons dont au plus 98mg d’iodure de potassium par comprimé.

Si nous choisissons 11mm, nous aurons une masse de 108mg, et avec 9mm une masse de 88mg.

La marge d’erreur n’est donc pas dérangeante dans le sens où bon nombre d’études préconisent un dose pouvant aller jusqu’à 150mg. Perso, j’ai choisi 11mm de longueur afin d’avoir une dose de 108mg.

Avec ce dernier, nous allons prélever une dose de KI jusqu’au trait (placé à 11mm du bord donc). Je conseille de prendre un récipient profond en verre, afin de permettre une certaine épaisseur lors du prélèvement.

A l’aide d’une tige de métal faisant exactement 2mm de diamètre, nous pourrons compacter le KI (il n’est pas compressible) afin d’ôter les éventuelles bulles d’air.

Pour C2 :

Afin d’avoir une dose de 15mg, il faut situer le trait à 1,52mm du bord.

Personnellement, j’ai choisi 1,5mm, ce qui est plus facile à poser avec une règle au demi-milimètre, soit une approximation par défaut de 1,3% ce qui nous donne quasiment une dose réelle maxi de 15mg.

La mise en « comprimé »

A la base, je m’étais tourné vers une recette de pâte à sel, car la température de fusion de KI est de 686 °C, soit largement de quoi passer au four.

Mais j’ai eu un doute sur la biodisponibilité et la cinétique de l’iode une fois ingéré avec une pâte à sel complètement déshydratée, car le facteur temps est primordial dans l’ingestion en urgence d’iode face à une alerte.

Et à l’inverse, la durée limite de conservation avec une recette un minimum hydratée (gâteau, cookies, etc…) empêche la conservation sur le long terme.

Si vous avez une idée de très longue conservation, n’hésitez pas à poster ici.

Pour faire encore plus simple : toutes les pharmacies vendent des « gélules » vides en cellulose (pouvant être digérées, afin de créer leurs propres médicaments sur commande, mais aussi de le permettre pour les éventuels clients.

Les volumes proposés sont en général 0,25mL 0.31mL et 0.40mL.

J’avais compté mélanger la faible quantité avec un excipient. A la base, le choix s’était porté sur la farine, mais sa péremption et la présence de gluten m’ont poussées à choisir du sucre blanc, n’ayant pas de péremption dans des conditions de stockage optimales, comme l’iodure de potassium.

Personnellement, j’en ai pris 210 de contenance 0.25mL et 30 de 0.31mL. Le volume est symbolique, et représente le gros (C1) et le petit comprimé (C2) qui font la distinction de ce qu’il faut utiliser en cas de syndrome du chimpanzé post-catastrophe.

De cette manière, nous pouvons réaliser 30 premières doses (108mg), et pour chacune d’elles 7 doses d’entretien (15mg), soit un traitement possible pour 30 personnes pour huit jours.

Ce n’est pas un hasard, j’ai choisi cette durée par la demi-vie de l’iode 131; mais il faut  avoir à l’esprit que le traitement de fond n’est nécessaire uniquement si le risque radiologique persiste.

La tige permet ensuite de pousser le KI dans la gélule. En gros plan, une dose de 108mg :

Pour 30 gélules de 108mg, en retranchant le poids de l’enveloppe, on arrive en vérifiant avec la balance milligramme à un total de 3216 mg !

On a pas fait d’énorme écart, avec en moyenne 107.2mg d’iodure de potassium par comprimé. Pour 210 gélules de 15mg, nous avons un total de 3120mg, soit une moyenne de 14.8mg, ouf !

Les gélules sont ensuite complétées de sucre blanc; l’ensemble étant théoriquement à conservation illimitée dans des conditions d’entrepôt idéales (au sec, < 30°C, le KI étant un composé minéral stable).

Quel est le coût final pour fabriquer ces comprimés ?

  • 6.4g d’iodure de potassium : 1,20€ les 10g : il reste 4.6g, soit encore 46 comprimés C1.
  • 210 pilules 0.25mL : 2€
  • 30 pilules 0.31mL : 0,90€

Coût total : 4,10€ pour un traitement de 30 personnes sur huit jours.

Pour les enfants…

Ne les oublions pas !

Voici les doses conseillées (Vidal 2009).

  • Pour un enfant : 1 prise unique de 65 mg d’iodure de potassium, soit quatre comprimés C2
  • Pour les nourrissons : 1 prise unique de 32,5 mg d’iodure de potassium, soit deux comprimés C2

Bonne cuisine !

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